Quatrième partie, du 3 au 15 avril 2010:
Thaïlande, du pont de l'Amitié à Savannakhet.

Le temps de remplir les papiers administratifs à la douane, nous consultons le guide sur lequel sont consignés les conseils sur une guest house à Nong Khai fournis par Alon, jeune cyclo-touriste israëlien rencontré au Laos (merci à lui).
Les trois premiers kilomètres qui nous en séparent ont une saveur particulière, un vrai mélange d'épices, pas facile à décrire d'ailleurs :
- commençons par le hot chili : en Thaïlande, on roule à gauche !!!!! hé héé, ça c'est un baptême du feu, une première pour ma part, et un excellent exercice de désynchronisation de nos réflexes. Après chaque carrefour, ils nous déportent machinalement sur la droite. C'est uniquement lorsque l'on croise les pleins phares du tuc-tuc d'en face, et après avoir pesté dessus (en tout bon français râleur) que l'on se retrouve tout petit dans ses claquettes. Se confondant en excuses, on rejoint le plus discrètement et rapidement possible le bon côté. Bon, quand on se ballade entre patates, avec nos 4 cerveaux actifs (relativement actifs, car n'oublions pas que nous sommes en vacances, et paf, ça c'est dit, et c'est très important pour nous de se le rappeler), il y en a toujours au moins un, en général celui de Caro, pour remettre la cyclo-ribambelle dans le droit chemin.... euh, je veux dire celui de gauche, enfin vous avez compris.
- deuxième épice de la recette : le curry thaï, pour la chaleur (35°C à minuit... et à l'ombre svp). C'est vrai qu'il avait déjà fait chaud la journée, mais maintenant qu'il fait nuit on ressent en plus l'humidité. Parfois par bouffée, c'est comme si on traversait un sauna dont on aurait laissé les portes ouvertes, un parfum d'huiles essentielles de... Thaï food en prime.
- troisième épice : la citronnelle. Ce coup-ci, on ne rigole plus avec les moustiques : ils sont petits certes, mais plutôt nombreux. Organisés en bande, les uns s'attaquent aux chevilles pendant que les plus bruyants font diversion autour de vos oreilles.... Un seul remède efficace : pédaler.
- et pour couronner le tableau , ça sent sérieusement la bière LEO, pour fêter notre plus longue étape : 83 km au compteur dont 25 km de piste. Ca fera sourire certains cyclo-voyageurs mais vu notre chargement (on vient de peser : environ 40 kg pour les filles et 65 kg, enfants compris, pour les hommes), on n'est pas mécontent !
  
Mais voilà que nous sommes à la porte de notre guest-house au bord du Mékong. Cela nous fait toujours bizarre ces passages obligés dans les guest-house des villes importantes, où l'on retrouve une population internationale, aux yeux rivés sur leur PC, alors que nos vélos nous permettent de battre la campagne et donc de crêcher au plus près de la population locale. D'autant plus que deux heures auparavant, on roulait sur une piste rouge brique, au milieu de paysages vierges et demandant notre chemin à des gens interloqués qui devaient se dire : "Mais qu'est-ce qu'ils foutent là ces 4 zozos ??? oh purée, mais en plus ce sont des enfants dans ces drôles de carrioles !!!! " (Ben évidemment, c'est pas des patates ni des carottes, n'est-ce pas Mimi ;-)) .

Mais je m'égare. Il est tard pour les ventres de nos petits alors pas de tergiversation, il y a des frites dans le menu. Banco, ça ne vaudra pas celles de grand-mère Odile, mais ça change du riz. On décide de rester à Nong Khai toute la journée de demain car il y a pas mal de bricoles à acheter et que l'on ne trouverait pas en rase campagne. Accessoirement, on aurait aussi envie de visiter la ville, mais on commence à connaître la musique. Entre surveiller les enfants qui découvrent leur nouveau terrain de jeu, finir de préparer la mise à jour du site, compléter notre attirail, jeter un oeil à la messagerie, recoudre un vêtement, réparer les vélos, désinfecter les gourdes, filtrer l'eau, j'en passe et des meilleures, bref le créneau visite des monuments remarquables est restreint. C'est le côté frustrant de l'aventure mais on l'accepte, en attendant de trouver la solution.

La journée du lendemain file et chacun se satisfait de ses avancées et de ses trouvailles. On profite encore à tour de rôle de la connexion Internet, chacun guettant que le PC se libère. En parallèle, Jean-Gui lance la mise en ligne de notre dernière prose, celle de Chantal précisément, validée collègialement par le grand jury des patates selon un rituel devenu sacré.

Profitant que les enfants soient couchés, tout le monde s'active jusqu'à pas d'heure. Seulement voilà, la mise en ligne devient de plus en plus capricieuse avec les nombreuses photos. Caroline, Chantal et moi rendons les armes au compte goutte, non sans avoir baisé le front de notre webmaster vénéré (et déjà énervé), qui s'apprête encore à vivre une soirée de m...... à batailler pour que la procédure de mise en ligne aboutisse. Pour l'instant, c'est toujours lui qui s'y colle mais on commence à penser que si les connexions ne sont pas meilleures, il va falloir prendre des cours d'informatique et instaurer des quarts. Sinon c'est sûr, le PC finira dans le Mékong avant d'arriver au Cambodge.
Bref, les heures passent : 1h du mat', 2h du mat'. Au début, Jean-gui trouve l'énergie et la patience de s'occuper en parallèle, mais comme tout un chacun, il a ses limites. Au bord de la crise de nerfs et de l'épuisement, seul comme un chien (enfin, je fais abstraction des moustiques) à la terrasse de la guest-house, voilà que son attention est détournée. Imaginez un peu la scène et la mine de notre Jean-gui : trois américaines font irruption, visiblement plutôt émêchées, des bières locales plein leur sac à main. Il est trois heures du mat', elles reviennent probablement de boîte de nuit où elles se sont éclatées comme des folles. Elles s'attablent à côté et proposent une bière à Jean-gui....Que va-t-il répondre ?
Réponse A : non merci, je ne bois plus de bière après minuit.
Réponse B : purée de purée de pois, ne voyez-vous pas que je galère comme c'est pas possible !!!!!
Réponse C : merci mais là je viens enfin d'achever un travail super important et il me tarde de me coucher auprès de ma blonde.... 
Alors ???? Vous avez envie d'une réponse D ???? Et ben non, c'est la réponse C, bon il est resté un peu évasif mais c'est sûr, va falloir instaurer des quarts.... En tout cas, on lui tire notre chapeau bas parce que sans rire, il galère bien...

C'est donc non sans mal que nous émergeons tous le lendemain. Il faut encore trouver une carte routière, une pièce de rechange pour les vélos, et imprimer des documents avant de reprendre la route. Nous ne décollons donc que tardivement de Nong Khai mais peu importe, de toutes façons, nous voulions visiter le Salep Kaew Ku park pendant notre pause de midi et celui-ci n'est qu'à 5 km de la ville.

Un homme à l'imagination débordante est à l'origine de ce parc. On se régale de contempler toutes ces statues en tout genre.

Il y a les démesurées (25m de haut),     les perturbantes,                               celles qui font peur,

                  les déjantés,                                                           et le coup de coeur des enfants : l'éléphant !

   

Nous ne repartons que très tardivement du parc mais au moins nous évitons de pédaler aux heures les plus chaudes. Car franchement, la Thaïlande nous fait souffrir de la chaleur. On tourne désormais avec 8 gourdes et 6 bouteilles d'eau de 1,5 litres et on refait le niveau à midi si possible pour avoir de la marge. Il faut aussi ruser pour que l'eau reste buvable c'est à dire "non bouillante" en y ajoutant des glaçons et en les emmaillotant dans des chiffons régulièrement humidifiés.

En fin de journée, nos regards se posent sur un carbet (comme dirait les guyanais) servant d'abri de jardin. Nous interrogeons un voisin qui bine dans son champ (du verbe "biner", rien à voir avec "binouze") pour savoir s'il pense que l'on peut s'y installer pour la nuit. Il nous fait comprendre que nous sommes les bienvenus. Bref, on installe les moustiquaires et on enfourche nos montures pour aller trouver pitance au village. Ce genre de couchage a le mérite de nous faire profiter pleinement de la relative fraîcheur nocturne. De plus, la ventilation naturelle vaut mieux que celle d'un plafonnier d'hôtel. Certes, la douche providentielle du soir est réduite à une demi-bouteille d'eau, c'est pas ce qu'on appelle le grand luxe mais il faut s'en contenter. Petit clin d'oeil : depuis ce bivouac, nous apercevons, de l'autre côté du Mékong, le premier temple où nous avions dormi avec Seb.

          

Au matin, c'est toujours un régal de profiter des premières lueurs de l'aube, de se sentir chanceux de pouvoir juste se réveiller là, au beau milieu d'un champs, de se sentir libre.  Tiens, ce matin nous fêtons nos trois mois de vie commune. C'est pas rien de vivre pratiquement constamment à huit. Je dirais même que c'est une bonne école de patience, et même s'il y a des abcès à crever de temps à autres, le jeu en vaut la chandelle car sans les uns et les autres, nous ne vivrions assurément pas le même voyage. Merci les copains....

Sans transition, nous souhaitons toucher deux mots sur notre itinéraire, puisque nous avons cru comprendre que certains tentaient de nous suivre à la trace. Nous avons fait le choix de longer le Mékong jusqu'à Mukdahan, où nous rebasculerons au Laos au niveau de Savannakhet. Ce n'est pas le chemin le plus court (plus de 400 km) mais c'est le plus plat, le plus buccolique et le plus simple pour l'orientation. En plus, nous pouvons régulièrement quitter la nationale 212 pour rouler au plus près du fleuve en empruntant des routes secondaires qui nous laissent augurer d'agréables surprises. 

Notre route est parsemée d'étalages de fruits de saison : on entâme le régime pastèque et ananas, ponctué de ramboutan (sorte de litchis), de jacques (le fruit du jacquier, et oui !!!), et de mangue. On se gave de fruits et de jus de fruits frais pour se sur-vitaminer. Malgré cela, les efforts répétés nous imposent de faire régulièrement le plein de sucre.Alors oui, nous n'en sommes pas spécialement fiers, mais nous avons recourt au Dieu "Coca cola". C'est une question de survie car pour l'instant, on a beau manger et boire comme des diables de Tasmanie, personne n'a pris un gramme. Voire même certains ont maigri... D'ailleurs, vu comme nous transpirons pendant l'effort, nous nous imposons régulièrement (merci Benoît et Albane) des doses de sels minéraux pour prévenir les carences et franchement, ça n'est pas du luxe.

Arrivés dans la ville de Pak Khat, nous décidons de passer une nuit au Bountawee hotel. Le soir, les patates Steiner quittent le restaurant plus tôt que les Clabaut, car leurs petites patates sont archi-cuites. Comme Jean-Gui a laissé son portefeuille dans la chambre, Jacques lui passe le sien, histoire de pas faire la plonge toute la soirée pour payer la note commune. De retour à l'hôtel, Jean-Gui dépose le portefeuille devant la porte entre-ouverte de la chambre des Steiner, à l'étage, pensant que ceux-ci sont en train de coucher leurs enfants. Seulement voilà, les Steiner s'activent déjà dans les parties communes du rez-de-chaussée : courrier, couture, réparation, installation du nouveau tau de la carriole... Plus tard, Jean-Gui les rejoint en bas mais il omet d'en parler, il a sûrement l'esprit occupé par autre chose : nous avons trouvé un dessert chocolaté, c'est fou comme certains manques peuvent tourner à l'obsession.

Bref, le matin, repactage et tentative de décollage à 9H. "Au fait Zangui, tu ne m'as pas rendu mon portefeuille !" glups...... "ben , tu ne l'a pas récupéré ? Je te l'avais déposé devant ta chambre...." oup's..... bah oui, tout le monde il est gentil mais faut quand même pas déconner... Allez, après avoir tout re-déballé, plus de place au doute, il faut faire opposition et déposer plainte pour vol. Les hommes filent au poste de police. Ils tombent sur LE policier, capitaine de son état, chemise on ne peut plus ajustée, tout droit sorti de chez le coiffeur, bottines en cuir impeccablement cirées.  Celui-ci nous affirme qu'il souhaite se rendre sur les lieux du crime pour prendre des photos.... On se regarde en tentant de conserver notre sérieux. Mais il veut prendre des photos de quoi, de la porte ????? Réponse très professionnelle du capitaine : "YES." Ben là, si on s'attendait ; au moins, il va y avoir du spectacle pour les enfants... Imaginez le comique de la situation : prendre en photo la porte de la chambre, avec l'emplacement désormais vide de feu le portefeuille... Puis notre capitaine demande à voir les papiers et les bandes vidéo de l'hôtel.... Mais c'est qu'il fait bien son boulot le bougre ! Pour la énième fois de la matinée, il demande à Jean-Gui pourquoi il a déposé le portefeuille devant la porte de la chambre..."OK, ça va, c'est très con, c'est bon, d'autres questions ?" Allez, on doit récupérer la déclaration de vol dans une heure. Le temps d'amorcer le repas de midi, et Jean-Gui et Jacques retournent au commissariat. Quand le capitaine leur résume sa version des faits, la même idée leur traverse l'esprit. Pourvu qu'il ne se mette pas en tête que Jean-Gui pourrait faire parti des suspects. Ouf, pas d'interrogatoire pour Jean-Gui, allez, assez perdu de temps, on s'arrache de cette ville. Mais ce n'est que le début des galères thaïlandaises...

Explications précises des faits à la réception de l'hôtel.

Résultat des courses : 2 cartes bleues, 10 000 Bats (environ 250 €) et le portefeuille offert belle-maman en moins. (note du rédacteur : "non, belle-maman n'a rien en moins", ni en plus d'ailleurs). "Allez, Jean-Gui, on ne t'en veut pas, d'autant plus que c'est souvent toi le plus précautionneux, limite paranoïaque".

Du coup, on tartine l'après-midi pour avaler nos 50 bornes journalières. On se pose dans un hôtel, repos bien mérité. Pour cette nuit, on a eu du nez de ne pas opter pour un bivouac car à 4 heures du mat', un orage carabiné éclate au-dessus de nos têtes. Le tonnerre était violent au point d'activer les alarmes des 4X4 du parking.

Le lendemain, nouveau coup du sort, la troupe des patates est stoppé dans son élan au kilomètre 8 : pour la première fois, nous causons involontairement un accident. Nous roulions comme d'habitude en file indienne. 2 scooters nous dépassent. La conductrice du premier nous regarde, amusée, intriguée. Elle ne fait pas attention à sa trajectoire. Quand elle se retourne, c'est trop tard. Elle et son accompagnatrice finiront dans le fossé, après une jolie glissade. Jean-Gui et Caro vivent la scène en direct, impuissants. Les deux accidentées, deux femmes d'une cinquantaine d'années, sont portées à l'ombre des arbres, sur des nattes. nous soignons leurs contusions et leurs plaies au mieux ; nous les ravigotons avec de l'eau fraîche et de l'ananas, mais elles restent sous le choc. L'une se plaint de la hanche, l'autre de la jambe. Pourtant, elles quitteront les lieux avant nous, accompagnées par des connaissances prévenues par téléphone.

Les patates, aux petits soins de leurs malheureuses admiratrices.

Le soir, nous atteignons la ville de ....... Nous demandons l'hospitalité à l'école. Un adorable professeur d'anglais nous reçoit et à notre grande surprise, il baraguine modestement quelques phrases en français. Heureux comme un pape de pratiquer notre langue ce dont il n'a pas souvent l'occasion, il nous introduit auprès des bonzes du temple, ce dernier étant, selon lui, plus propice à nous héberger.  L'accueil est comme de coutume, chaleureux et sincère. Nous y déposons nos affaires avant d'aller manger sur les bords du Mekong.

Au resto de rue, les enfants réinventent la scène de l'accident, en mimant une intervention d'ambulanciers.

  

La nuit, bien que marquée par un nouvel orage tonitruant, fût reposante.

Au petit matin, nous vivons encore un grand moment de générosité, d'hospitalité et d'échanges. Les bonzes nous offrent le petit déjeuner traditionnel, autrement dit un vrai repas, ainsi qu'une multitude de friandises qui affluent de toutes parts. Nous sommes gênés, mais l'échange est sincère. Nous leur expliquons notre périple. L'un d'eux semble intéressé par notre monnaie européenne. Un dernier billet de 10 € traînant dans le porte-monnaie de Jean-Gui fera son bonheur.

    

Nous quittons le temple séparément. En effet, Jean-Gui et Caro repartent à la recherche d'une gourde oubliée lors du bain de la veille dans le Mékong alors que Chantal et Jacques partent en direct. Seulement voilà, il y a cafouillage pour se retrouver. Les uns pensent devancer les autres alors qu'en réalité, c'est le contraire. On met un moment à s'en rendre compte si bien que ça sent légèrement la panique. Il faut avouer que la situation des patates Steiner est moins confortable : pas de sous, pas de téléphone, plus de carte bleue.

Le stratagème inventé par les premiers pour communiquer avec leurs poursuivants : un message accroché au drapeau planté sur le bas-côté de la route.
  

On finit par se retrouver, 25 km et quelques sueurs froides plus loin. Décidément, la Thaïlande nous en fait voir de toutes les couleurs. Mais peu importe la situation, les gens sont adorables avec nous et la solution au problème n'est jamais très loin.

L'équipe à nouveau réunie, nous mettons les bouchées double malgré la chaleur. On a quand même un visa qui expire dans 5 jours et surtout, nous devons prendre de l'avance sur les kilomètres car nous savons que dès le 13 avril, la thaïlande sera en effervescence : en effet, ce sera le début des hostilités pour fêter le nouvel an 2553 (et oui, ils ont, comme qui dirait, une légère avance sur notre temps). Pendant trois jours, le sport national sera de s'arroser mutuellement donc notre rythme s'en trouvera fortement ralenti et nous devons par conséquent en tenir compte dans notre timing pour ne pas se retrouver contraint de passer à côté de cette fête qui a l'air prometteuse.

Bref, on tartine mais au détour d'un village, une école semble nous tendre les bras. Il y a des statues d'animaux un peu partout, des balançoires en veux-tu en voilà et un auvent pour s'abriter et tendre nos moustiquaires. Allez, ce sera notre squat pour la nuit ; puisque ce sont les vacances scolaires, nous ne serons pas réveillés par les élèves. Nous demandons la permission à qui de droit et le gardien nous invite à dormir dans deux salles de classe qu'il nous ouvre, royal ! Nous prenons tranquillement nos aises lorsque nous entendons la musique d'un cortège qui se rapproche. Dans une ambiance festive, nous regardons passer une troupe de villageois, poussant une charette décorée et portant le patriarche des bonzes. On nous invite à emboîter le pas, ce que nous faisons volontiers. Tantôt ils s'arrêtent pour le secouer puis continuent jusqu'à atteindre le temple où une espèce de "kermesse du curé" bat son plein. Musique, trampoline, ballon et manège ravient nos petites patates.

       

Dans le temple décoré pour l'occasion, les bonzes chantent leurs prières. On nous invite pourtant à nous y installer pour prendre le repas sur des nattes. Une belle rencontre au cours de laquelle trois femmes noueront à tour de rôle des bracelets aux poignets des petits et grands, pour que tout se passe bien durant notre périple. Touchante attention qui confirme notre sentiment : ces gens sont adorables.

     

Le bonze imperturbable récite ses prières, pendant que d'autres fidèles prient en silence et sonnent le gong          

    

Le lendemain, séance d'entraînement de bataille d'eau pour les petites patates en prévision des 4 jours de "Pi mai". C'est sûr on ne va pas s'ennuyer sur les routes...

   

L'après-midi, on jette pour la première fois un oeil dans une plantation d'hévéa, dont on extrait la sève. Chantal et Jean-Guillaume tentent de comprendre les explications de l'exploitant : on entaille l'écorce, on récupère la sève et on badigeonne de cicatrisant.

      

      Nouvelle nuit chez l'habitant avec au petit-déjeuner de la           ...... tortue !!  Miam !!!

    

Allez, je vous rassure, on ne l'a pas mangé (faut pas déconner, elle était vivante...) Trêve de plaisanterie, le petit-déj est souvent l'occasion de confronter nos deux cultures. En effet, nous trouvons en Thaïlande de quoi prendre un petit-déj' classique (pain-confiture-fruit). Du coup, on ne s'en prive pas puisque c'est notre culture. Mais en conséquence, lorsque nous tirons de notre carriole le pain et le reste, c'est bien souvent sous le regard amusé de nos hôtes. Et il faut dire que ce matin-là, le contraste est particulièrement marqué. Alors que nous sommes prêts à partir, nos hôtes nous proposent de nous rasseoir, prétextant qu'il fait déjà trop chaud pour pédaler (ce qui n'est pas faux !) et d'accepter de partager maintenant leur repas !!!! Et oui, il est 9h30, eux se sont levés sur les coups de 4h30 (heure à laquelle la nuit de Caroline s'est donc terminée, les autres, ayant le sommeil plus lourd, s'étaient rendormis, les enfants même pas réveillés !) et une ambiance fête de famille flotte dans l'air puisque quelques personnes ont discrètement afflué. On a l'impression que notre présence les amuse et qu'ils souhaiteraient vraiment que l'on reste. Des verres de bière nous sont tendus, le riz fume et les palourdes, du Mékong, fraîchement cuites au barbecue font saliver Chantal.... Ces moments ne sont pas facile à vivre, comment peut-on leur dire que nous n'avons pas le temps alors que nous sommes en vacances pendant un an...On craint toujours de les vexer... Ca a été dur, et puis rendez-vous compte : refuser un verre de bière, c'est blasphème..... bref, on n'en est pas fier mais voilà, nous les avons remercié comme il se doit et sommes partis.  

    

S'en suit une journée et une nouvelle nuit dans une école sans histoire.

Le surlendemain, le sort s'acharne à nouveau sur les patates. Nous repérons un resto non loin d'une aire de jeux pour enfants, demi-tour... seulement voilà, la roue de la carriole des patates Steiner se coince dans un caniveau. Le temps de s'en rendre compte c'est trop tard, la roue se transforme en "Springles" ou "8" !!!.

Une chance qu'elle n'ait pas explosé. Arrivera-t-on à la réparer ?? (vous le saurez juste après la pub.....) --- PUB --- 
Soi-même avec la clé à rayon, c'est sûr, c'est impossible,  et trouver un réparateur tient du miracle. Ce qui est certain c'est que la pause de midi sera plus longuette que d'habitude. Une réorganisation s'impose. On mange vite fait. Jacques s'occupe de la roue, Caro de ses enfants, le coiffeur des petites patates steiner, et Jean-gui part à la recherche d'un imprimeur. Son aventure mérite d'être contée. Le dit "imprimeur" vers qui il a été dirigé, n'est autre que le siège de l'équivalent thaïlandais de France télécom (CAT). Oui mais voilà, l'heure est à la fête et il tombe en plein traquenard. Du coup, la fin justifiant les moyens, il est obligé de donner de son corps avant de pouvoir imprimer quoique ce soit. Allez Jean-Gui, chante nous une chanson au micro !!!! Et voilà comment on se retrouve à chanter "ahhh les cro-cro-cro ... les crocrodiles" pour imprimer des papiers pour le remboursement de son passage à l'hosto de Luang prabang. Le bougre a bien mérité de savourer une bière fraîche et goûter au banquet.

Ok, ça, c'est fait. Et pour la roue, après avoir fait mourir de rire le réparateur et lui racontant la mésaventure, le miracle a eu lieu, et pour 1,25€ !!!!  La chance a tourné et nous avons désormais le vent en poupe. En selle les amis, et avalons les km....  hélas..... nous sommes stoppés en plein élan par .....et ben justement : un élan  !!!!!! Non, je plaisante, ça ce sera pour la prochaine année sabbatique en Scandinavie .... mais ici il s'agit bien d'une crevaison. Mais boudiou, on a pourtant investi dans des pneus "increvables" et des chambre à air de qualité. Voyons l'origine de cette crevaison de plus près :

Là, forcément, même avec un bon pneu.... Mais dis nous Caro, t'as fait comment pour t'encorner un boulon (même pas une vis) de 5 cm ??!! La chambre est transpercée de part en part, jamais vu ça, nouvelle preuve que lorsque les patates sont réunies, même l'impossible est réalisable !!

Allez, on change la chambre à air et on repart sur les chapeaux de roues jusqu'à atteindre un bled, depuis lequel on entend de la musique. Effectivement, en y regardant de plus près, on y boit, on y rit et on y danse : que rêver de plus. Comme le temple est juste à côté de la fête, nous repérons une école maternelle où nous dormirons au calme. Après avoir eu l'aval de l'instituteur, on y installe nos moustiquaires et on fonce à la fête. Trop tard, tout est fini alors qu'il n'est pas 19h. Voyant notre désappointement, un voisin et sa femme nous invitent à dîner.... Là, c'est sûr, on est tous convaincu que, quelle que soit la situation, il est improbable de rester en rade en Thaïlande. Adorables on vous dit....

Aujourd'hui, c'est le premier vrai jour de "Pi mai", fête de l'eau et nouvel an thaïlandais, notre troisième nouvel an de l'année. La valse des pistolets à eau, des bassines, des sceaux et des tuyaux d'arrosage peut commencer.

   

  

   

Imaginez- vous tout un pays dans la rue, les uns sur le bord de la route et les autres dans les bennes des pick-up, en train de se canarder de l'eau, colorée, parfumée, plus ou moins chaude, ou bien carrément glacée .Il en vient de tous les côtés. Ah j'oubliais, on nous tartine les joues de poudre colorée, plutôt délicatement et dans une ambiance bon enfant même dans les villes. Bref, un joyeux capharnaüm mais sans accro apparent, heureusement d'ailleurs.

Nota perso : que mes ex-collègues de la police de l'eau me pardonnent pour le plaisir que j'ai pris à participer au gaspillage de toute cette flotte.

En fin de journée, on nous indique une fête de village au bord du Mekong, où la piste de danse est improvisée sur la plate-forme d'extraction de sable. Certes, les discussions ne sont pas allées bien loin vu l'état de "fatigue" avancée et l'anglais approximatif de nos compagnons de soirée mais au moins, les scarabées en guise d'apéritif étaient croustillants. On a d'ailleurs dormi sur la plage avec l'accord et le regard bienveillant des autorités locales, of course.

       La piste de danse.                                                     Le bivouac sur la plage.

   

Le lendemain, c'est toujours aussi festif. On ne fait pas 500 mètres avant d'être aspergé d'eau et c'est tant mieux car il fait vraiment chaud. Par contre, c'est plus délicat pour les enfants qu'on ne peut pas laisser trempés du matin au soir. Donc, nous sommes obligés de fermer la carriole et de l'ouvrir dès que l'on peut pour éviter l'étuve.

Nous atteignons Mukdahan en fin d'après-midi. Tout le monde est trempé. Les batailles d'eau entre pick-up nous font sourire mais nous avons hâte désormais d'être au sec. Nous passons la soirée au marché de nuit où nous dégustons nems, rouleaux de printemps et jus de fruits frais.

La nuit est spécialement chaude, on a l'impression d'étouffer entre nos 4 murs, aurait-on pris goût à dormir au grand air ? Au matin, on prend notre temps avant de nous diriger vers le marché indochinois pour y flâner et y faire quelques emplettes. Mais comme c'est la cohue et qu'il fait déjà très chaud, c'est plutôt l'enfer avec les enfants. En début d'après-midi, on enfouche nos montures direction la frontière laotienne : le friendship bridge n° 2. Nous nous faisons allègrement et agréablement asperger jusqu'au slip par une foule en délire, par les chaleurs qui courent c'est sensationnel. 6 km plus tard nous sommes à l'entrée du pont. On s'apprête à faire les formalités de sortie du territoire thaïlandais mais les douaniers nous disent que ça n'est pas possible. Tiens et pourquoi pas ? On nous explique que le pont est plus long de 400 mètres que celui qui nous a permis de rentrer en Thaïlande et qu'il est interdit de le traverser à vélo... On nous invite donc à faire appel à une compagnie de bus pour le traverser... La vraie galère car cela signifie entre autres, de devoir plier les carrioles alors que nos petites patates en écrasent dur. En même temps, déroger à la loi pour cause de sieste semble un peu gonflé. On regarde autour de nous, et dans la file de voitures qui attendent de passer la frontière, on remarque qu'il n'y a que des pick-up... Ca fait tilt dans nos têtes : et si on soudoyait deux ou trois chauffeurs pour squatter la benne de leur pick-up ? On s'assure auprès des douaniers qu'ils n'y voient pas d'inconvénient. C'est OK pour eux. Et quant aux chauffeurs, pour qui nous ne sommes évidemment pas passés inaperçus, ils ont déjà compris ce qu'e nous nous apprêtons à leur demander et ce n'est même pas la peine d'insister..... car ils ont déjà baissé la ridelle de leur benne pour pouvoir enfourner vélos et carrioles. A-do-ra-bles on vous dit. Répartis dans deux pick-up, troupes et matériels traversent le pont plus vite qu'on ne pouvait l'éspérer.

     

Des quatre enfants, il n'y a que Cylia qui a ouvert un oeil et qui s'est rendue compte qu'elle n'était plus derrière le vélo de papa, mais bien en face de lui, la crinière au vent, assis à ses côtés dans la benne du pick-up. Pour les autres, il ne s'est rien passé d'anormal. Ahhhh, c'est qu'on les bichonne nos petites patates mais nous le rendent-elles toujours..... Les filles s'occupent des formalités d'usage. Au loin, nous entendons l'orage qui gronde. On avait lu que la fête de "Pi mai" marquait la fin de la saison sèche mais on ne pensait pas que les saisons étaient réglées comme une horloge et qu'au soir de la fête, la pluie arriverait en trombe !!! Et pourtant, c'est ce qui se passe, le vent se lève et on ressent les premières gouttes peu après avoir décollé du poste frontière. On calfeutre les carrioles. Pour les grandes patates, on est déjà trempé depuis belle lurette et nous savons que dès que nous atteindrons la ville de savannakhet, nous aurons droit au même comité d'accueil qu'en Thaïlande puisque la fête de Pi mai est décalée d'un jour au Laos. C'est d'ailleurs pour pouvoir encore apprécier cette fête du côté laotien que nous avons précisément passé la fontière ce jour là. Par la même occasion, nous célébrons une quatrième fois la nouvelle année ! Qui dit mieux ? 

Ces 15 jours thaïlandais ont été parsemés d'embûches mais qui sont plus le fruit du hasard qu'autre chose. En vérité ce pays, pour la partie que nous venons de traverser, révèle de véritables trésors : la douceur, la joie de vivre et la générosité des habitants, la qualité de l'accueil, mais aussi la capacité des gens, pendant le Pi Mai, à faire la fête.

Le joyau de ces trésors étant le Mekong, source de providence par son eau qui irrigue champs et vergers, et de protéines pour les poissons qu'on y pêche. Tout au long de notre route, cette masse d'eau calme et mouvante qu'il représente, a joué à la fois le rôle de boussole, nous remettant sur le droit chemin, de rafraîchissement en s'y baignant maintes fois et d'apaisement de l'âme. En effet, il faut l'avouer, en France nous habitons tous sur la côte et la grande bleue nous manque. Ce fleuve mythique nous a quelquepart rassuré : l'élément "eau" fait toujours bien partie de notre quotidien. Et d'ailleurs, de plus en plus puisque la saison des pluies pointe le bout de son nez.... Sans doute une nouvelle épreuve....

Jacques